La vie du sol : les vers de terre

Publié le par zigzag

Les vers de terre


L'origine des vers de terre
Première biomasse du sol

Caractéristiques anatomiques
L'action des vers de terre
Utilité et utilisation
Les vers et nos déchets
L'élevage des vers de terre




L'origine des vers de terre

Les vers de terre sont les seuls animaux domestiques qui n’ont aucun inconvénient pour notre environnement !
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Dans le jardin, ils aident entre autre à améliorer la qualité du sol et sa structure, parant ainsi aux dommages causés par les pluies acides et les inondations. A la maison, ils mangent nos déchets et produisent le meilleur engrais naturel pour tous les végétaux. Les plantes nourries au lombricompost, c'est-à-dire le résultat de la digestion des vers et les restes de matières organiques décomposées, sont plus résistantes aux attaques de maladies et de parasites. Les vers sont également utilisés en élevage et pluri-élevage et dans l’alimentation des animaux, sans oublier leur récente mis à profit pour le traitement des eaux usées

   L'origine des vers de terre actuels remonte au mésozoïque, environ 200 millions d'années. Leurs ancêtres vivaient dans l'eau. Ils ont fait leur évolution principale au même moment que les plantes à fleurs, il y a environ 100 millions d'années et sont devenus habitants de la terre à partir de la formation du sol, par l'interaction de la végétation, du climat et des roches primitives. L’évolution des vers a continué avec l'apparition des plantes.

Sous l'Antiquité, Les Grecs respectaient les vers de terre en tant qu'améliorateurs et garants de la fertilité du sol. Aristote (384-322 av J.C.) élève de Platon, avait surnommé les vers de terre les "intestins de la terre".

Les Egyptiens étaient conscients de l’importance des vers. Animaux sacrés, bien que la richesse des substances fertilisantes charriées par le limon sur les berges du Nil ne fisse pas défaut. Cléopâtre (69-30 av. J.C.) avait même édicté une loi interdisant d’exporter les vers de terre.

Les vers étaient considérés comme nuisibles au 18ème et 19ème siècle en Occident : ils étaient accusés (à tort, ils n’ont pas de dents !) de manger les racines des plantes. C’est de cette époque que date la mauvaise réputation des vers, heureusement non fondée. Aujourd’hui encore, les producteurs d'engrais chimiques semblent oublier que le ver de terre fait leur travail mieux qu'eux. L'humus se dégrade en même temps que les vers disparaissent. Les engrais chimiques les affaiblissent, les pesticides les tuent et rendent l’humus stérile.

On doit l'étude contemporaine du ver de terre à Charles Darwin (1809-1882), grand naturaliste passionné et fondateur de la théorie de l'évolution, qui a publié ses études dans un livre paru en 1881 (Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale).


Première biomasse du sol


   Première biomasse du sol, les vers sont plus nombreux que les fourmis : La terre est bien vivante ! Il y a sous nos pieds d’innombrables quantités de créatures qui participent toutes à l’équilibre et à la biodiversité de notre environnement.

Les vers de terre, dont on compte, dans les climats tempérés une population de 250 000 à 5 millions d’individus par hectare : ils constituent la première biomasse du sol.

Cependant leur population diminue…victimes des tracteurs, des charrues, des pesticides, des herbicides et de la méconnaissance de leurs bienfaits pour notre environnement, leur nombre est passé, entre autre à cause de pratiques agricoles intensives et productivistes,
de 500 au m2 à moins de 50 en l'espace de quelques années.

Les taupes ne s'y trompent pas : on a retrouvé des vers mutilés dans le garde-manger de ces mammifères… Le ver de terre est rempli de protéines (70%), sels minéraux et autres substances vitales aux plantes et au sol (phosphore, calcium, zinc, magnésium). Ils constituent ainsi la première biomasse de protéine de la terre.


Caractéristiques anatomiques


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Le ver de terre, appelé aussi lombric, appartient à l’embranchement des Annélides, qui comprend la classe des Oligochètes (ex. le lombric) et des Hirudinées (ex. la sangsue). Il n’a pas ni yeux ni dent. Il possède par contre 4 cœurs et 3 paires de rein ! Il respire à travers la peau et se déplace grâce aux minuscules soies qu’il possède sur chacun des segments qui composent son petit corps (entre 80 et 120). Il mesure donc entre 5 et 10 cm. Les espèces les plus grandes se trouvent en Australie (Vers du Gippsland) et en France dans la région de Montpellier (Lombricus Montpelierus).

vers_de_terre_1.jpg Les caractéristiques anatomiques du ver de terre rendent cet animal particulièrement intéressant à étudier. On connaît en Europe 350 espèces de vers de terre. Ils vivent aussi bien dans les sols fermes que dans les fonds vaseux des eaux douces. Sur la totalité de la planète, on compte 3627 espèces de vers de terre

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Il convient cependant de différencier le vers de terre du vers de compost. Ils ont en commun la fertilité de leurs déjections et la fertilisation de la matière organique, mais notre ver de terre commun, le Lombricus Terristris, vit plus en profondeur dans le sol où il creuse des galeries verticales et son rôle est d’aérer la terre, plus que de la nourrir en remontant à la surface pour poser ses si précieuses déjections. On appelle ainsi anécique l’espèce à laquelle appartient le Lombricus Terristris.

Toutes les espèces de vers de terre sont hermaphrodites (ils sont à la fois mâle et femelle), mais ils doivent être deux pour se reproduire, comme les escargots. Ils pondent plusieurs centaines d’œufs par an et pour les vers de compost, les œufs contiennent plusieurs petits ! Le lombric lui ne fait que quelques petits par an. On utilise pour le lombricompostage, les espèces de vers de compost très prolifères et voraces Eisenia Andrei, Eisenia Fetida ou Dendrobaena Veneta. Elles vivent à la surface du sol ou dans les tas de compost bien entretenus (arrosés et aérés régulièrement) et se nourrissent des matières organiques et carboniques en décomposition. On les appelle pour cela les épigés. Car il est très prolifère, le ver de compost vit moins longtemps que le ver de terre. Selon les espèces de vers de compost, leur longévité est de 2 à 3 ans. Le lombric, qui a moins de petit, peut vivre lui jusqu’à 15 ans ! En moyenne, la durée de vie des vers de terre toutes espèces confondues est de 10 ans.


L'action des vers de terre


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 L'action des vers de terre remplit des fonctions uniques dans le sol. Les grandes galeries qu’ils creusent nuit et jour permettent à l'eau de pluie de pénétrer facilement dans les sols en augmentant leur taux d'infiltration. L'accélération de l'infiltration de l'eau limite le ruissellement et l'érosion, et permet à l'eau de pénétrer dans la rhizosphère* où elle peut être utilisée par les végétaux. Ces galeries permettent également aux racines de se développer facilement dans le sol et d'explorer de nouveaux espaces. Le sol travaillé par les vers de terre possède une structure granulaire stable (agrégat) moins sensible à l'érosion du vent (éolienne).

Les vers de terre sont considérés comme très importants dans le recyclage de la matière organique du sol et dans la formation de l’humus. Il faut bien différencier les vers composteurs des lombrics. Certaines espèces se chargent d'enterrer les résidus organiques superficiels (lombrics) dans des galeries verticales, alors que d'autres participent activement à leur décomposition en rendant d'importants éléments nutritifs par des galeries horizontales accessibles à d'autres organismes vivants du sol, comme les végétaux (vers composteurs).

Les plantes puisent leur nourriture dans l’air et le sol. Aujourd’hui, nous savons que pour avoir une croissance saine, non seulement les différents éléments nutritifs et les oligo-éléments sont indispensables pour nos plantes, mais aussi la matière organique ; celle-ci n’est présente que dans l’humus et est mise à disposition des plantes par les vers et les micro-organismes.

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Oeuf de ver de terre

Véritables laboureurs du sol, ils sont capables de retourner des surfaces considérables. Pour un hectare, on estime que 20 à 30 tonnes passent par leur tube digestif ! En Inde, une expérience test de réintroduction de vers de terre a permis, dès la première année, de doubler la production de thé dans un sol épuisé par l'agrochimie (http://geo5.environnement.free.fr/exchron.html).


Utilité et utilisation

L’utilité des vers de terre dans la formation de l’humus, pour la restructuration des sols, et la fertilisation des sols pauvres n'est plus à démontrer, mais reste à être généralisée. Aujourd’hui encore, les producteurs d'engrais chimiques semblent oublier que le ver de terre fait leur travail mieux qu'eux. L'humus se dégrade en même temps que les vers disparaissent. Les engrais chimiques les affaiblissent, les pesticides les tuent et rendent l’humus stérile.
Les vers de terre sont également utilisés pour le marché de la pêche en eau douce aussi bien qu’en eau de mer.
Le recyclage des déchets organiques par la digestion des vers,
le lombricompostage, se développe depuis une vingtaine d’années. Démarrée au Canada et aux Etats-Unis, la pratique du lombricompostage se développe à présent en Europe et en Asie.
Il existe cependant d’autres utilisations mettant à profit les avantages des vers de terre. Certains agriculteurs et éleveurs combinent élevages de volaille, de lapins ou d’escargots et élevage de vers. Ils fonctionnent d’une façon durable ainsi en circuit fermé et sont autonomes.
Récemment, les vers de compost sont utilisés en France et au Chili pour purifier les eaux usées des petites communes (voir notre dossier sur la lombri-station de Combaillaux).
Les vers sont également utilisés pour leur fort taux de protéine dans l’alimentation animale (poules notamment) et des études scientifiques sont en cours concernant l’alimentation humaine. Les vers pourraient bien répondre au problème crucial de la faim dans le monde et en particulier dans les pays en voie de développement.


Les vers et nos déchets

Les vers de terre nous apportent la solution idéale à la problématique grandissante et préoccupante qu’est la gestion de nos déchets ménagers, tout en favorisant la protection de l’environnement. Le lombricompostage individuel permet de produire soi-même le meilleur engrais naturel solide et liquide, avec ses déchets de cuisine !
Contrairement au compostage traditionnel (le tas dans le jardin), recycler ses déchets dans un lombricomposteur ne nécessite ni arrosage ni retournement : Les vers font tout le travail et c'est tant mieux, car il n'est pas toujours agréable d'aller déposer ses déchets dans le compost du jardin l'hiver ou quand il pleut…
Rapide, facile, le lombricompostage est aussi naturellement sans odeur ! Les vers suppriment l’odeur de décomposition des déchets en les digérant, grâce aux enzymes de leur intestin.
Les vers vont manger tout ce qui est organique, les épluchures de fruits et de légumes, les restes de repas crus ou cuits, le marc de café avec le filtre, les sachets de thé, les cheveux et les poils d’animaux. Les vers mangent aussi les matières carboniques, telles que le papier et le carton, les coquilles d’œufs, la sciure.
Ils mangent entre la moitié et leur poids en déchets chaque jour. Considérant qu’un individu produit en moyenne 1 kg déchets chaque jour, et que les vers peuvent manger 40% du contenu de la poubelle, 500 g de vers peuvent manger jusqu’à 400g de déchets en une journée.

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Voici en dessin la vue des 4 plateaux du lombricomposteur Can-O-Worms, s’il était transparent. En bas, l’engrais liquide, puis au-dessus le lombricompost. Les déchets partiellement décomposés et tout en haut,
les déchets les plus frais. (3 plateaux de travail + bac de récupération du
« thé de vers »)


L'élevage des vers de terre

   L'élevage des vers de terre a commencé aux États-Unis dans les années 1930. Le Dr Georges Sheffield Oliver, originaire du Texas et inventeur de la charrue en acier, lu par hasard en 1906 le livre de Charles Darwin. Il commença à élever des vers de terre dans sa ferme et à les mettre dans son jardin. Peu de temps après, il pu constater que les arbres avaient une meilleure vitalité, que ses fleurs devenaient plus belles et plus parfumées, et que ses fruits et légumes gagnaient en goût.
L'élevage du vers de terre a continué de se développer aux Etats-Unis, grâce à Hugh Carter, cousin de l'ex-président des États-Unis, qui a commencé à élever des lombrics en 1947 dans un cercueil ! Après 25 ans de pratique et d'expérience de l'élevage du ver de terre, Carter était en mesure de fournir 15 millions de lombrics par an aux magasins de chasse et de pêche.


Sources et bibliographie

- Le ver de terre au jardin, Walter Buch, 1991
- La formation de la terre végétale par l’action des vers, Charles Darwin, 2001
- Le sol, la terre et les champs, Claude Bourguignon, 2002
- L’élevage rentable des lombrics, Louis Compagnoni, 1985
- Worms Eat My Garbage, Mary Appelhof, 1997 (bientôt disponible en Français, Les vers mangent mes déchets)


"Le Prince Lombric et la Belle Bactérie au sol dormant "

 "Derrière les lombrics, on observe un système organisé, mutualiste et fonctionnel, la drilosphère, l'espace des vers, et celui-ci fonctionne à la façon de la Belle au Bois dormant qu'un Prince réveille". "Dans le rôle des Belles, précise-t-il, des micro-organismes, les bactéries, capables de digérer une bonne partie de l'ensemble des éléments organiques naturels, mais dans l'incapacité de se déplacer ! Une fois cette nourriture consommée, elles s'endorment et leur sommeil peut durer plusieurs mois... Surviennent alors les Princes charmants, sous l'aspect insolite des invertébrés du sol, annélidés et insectes. Problème : si ces derniers se déplacent fort bien, ils souffrent de ne pas pouvoir digérer les débris dont ils se nourrissent ! Qu'à cela ne tienne, nos amies les bactéries, ingérées par le Prince Lombric avec un peu d'eau, de terre et mélangées à un soupçon de mucus intestinal vont se réveiller et concourir à cette digestion !".
Élémentaire ! Mais fallait-il encore le démontrer.

*Patrick Lavelle Professeur à l'Université de Paris 6

Publié dans La vie du sol

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