La vie du sol - Les mycorhizes - Le rôle des mycorhizes
Nutrition minérale
Les champignons mycorhiziens sont tous hétérotrophes pour le carbone et la plupart le sont pour les vitamines telles que la thiamine et la biotine. Pour la grande majorité de ces champignons, la source essentielle de carbone est fournie par la plante-hôte sous forme de saccharose, glucose et fructose, mais certaines espèces utilisent des protéines et des complexes polymérisés, comme la cellulose, la lignine. Quand le champignon n'est pas associé à la plante-hôte, sa capacité à dégrader les composés macromoléculaires, comme la lignine, est limitée. Il semblerait toutefois que la capacité de celui-ci à assimiler les protéines a été largement sous-estimée. Les plantes sont limitées dans leur croissance par leur incapacité à optimiser le prélèvement par les racines des éléments minéraux du sol, comme le phosphore et l'azote.
Dès 1885, Frank estimait que les champignons ectomycorhiziens favorisaient la nutrition phosphatée et azotée des arbres et dépendaient des sucres prélevés chez ces derniers pour assurer leur croissance végétative et accomplir leur développement. Les ectomycorhizes stimulent généralement la croissance et le développement de la plante-hôte, en particulier dans les sols forestiers où la disponibilité en éléments minéraux est faible (1-10 uM). Cette stimulation de la croissance se traduit, en particulier, par l'augmentation des teneurs en phosphore et en azote des arbres mycorhizés. Or, il est connu que dans les sols forestiers, l'azote et le phosphore sont les deux principaux facteurs limitant la croissance des arbres.
La surface d'absorption par les racines de tous ces éléments est très fortement augmentée par la présence du mycélium tout autour des racines. Les hyphes mycéliennes peuvent s'étendre assez loin du système racinaire. Des expériences réalisées avec du phosphore radioactif 32P, ont démontré que les hyphes mycéliennes absorbent le phosphore à plus de 7 cm de la racine, dans le cas des endomycorhizes, et à 10 cm, ou plus, dans le cas des ectomycorhizes.
Cependant, si la symbiose mycorhizienne est caractérisée par un flux d'éléments minéraux dans le sens champignon-arbre, il ne faut pas oublier qu'elle est définie également par un flux de photosynthétats dans le sens arbre-champignon. En effet, l'approvisionnement par la plante-hôte de composés carbonés au champignon constitue la seconde caractéristique des relations nutritionnelles de l'ectomycorhize.
Les champignons ectomycorhiziens jouent également un rôle important dans l'absorption, le transfert ou l'immobilisation d'autres éléments minéraux du sol, comme le cuivre, le fer, le zinc et le potassium. Des métaux lourds, parfois présents en excès dans certains sols acides (aluminium, cadmium, zinc), sont absorbés et accumulés par les cordons mycéliens qui les piègent. Cette faculté fait de ces champignons de bon détoxificateurs des sols.
Au cours de ces dernières années, les connaissances sur la physiologie de la symbiose ectomycorhizienne se sont multipliées et ont permis de mieux comprendre les mécanismes d'absorption, d'accumulation et de transport du phosphate, de l'azote et des glucides dans ces associations. D'après ces dernières observations, il apparaît que le développement et le fonctionnement de la symbiose ectomycorhizienne sont sous le contrôle métabolique et génétique des deux partenaires.
Alimentation en eau
Les études morphologiques ont montré que les structures mycéliennes sont bien adaptées aux mouvements de l'eau entre les champignons et les plantes. Les rhizomorphes ont, en particulier, des grands éléments conducteurs possédant peu de cloisons transversales et pratiquement dépourvus de cytoplasme. Ce système est bien adapté au transport des solutés sur de longue distance et assure les inter-connections entre différentes plantes. Les éléments conducteurs ne s'observent pas dans le manteau, ce qui permet de penser que l'eau emprunte le symplasme et parfois les structures apoplastiques pour atteindre ensuite les parois et le cytoplasme des cellules racinaires.
L'infection mycorhizienne peut augmenter l'adaptation des plantes aux conditions de sécheresse. L'effet bénéfique de la mycorhization dans l'alimentation hydrique de la plante-hôte est en partie lié au vaste réseau d'hyphes qui prospectent le sol augmentant ainsi la surface de contact entre le sol et le système racinaire. Mais il existe également des mécanismes indirects comme le contrôle de la régulation stomatique et l'ajustement osmotique de la plante par le champignon.
Production d'hormones
L'association mycorhizienne joue un rôle dans la synthèse de composés complexes, comme les vitamines et les phytohormones. Certaines molécules synthétisées par la plante stimulent le développement du champignon (formation du carpophore, maturation des organes de reproduction). Un effet rhizogène du champignon a été mis en évidence par Slankis et Gay. Il est dû à son aptitude à produire des composés hormonaux et notamment de l'acide indole-3-acétique (AIA). Les auxines produites par le champignon interviennent probablement dans l'établissement de l'association symbiotique en stimulant la formation de racines courtes réceptives à l'infection. La présence du manteau fongique et des hyphes extramatricielles de racines courtes mycorhizées provoque une augmentation de la surface d'absorption, ce qui favorise un meilleur approvisionnement de la plante en éléments minéraux et en eau. De plus, les phytohormones produites par le champignon sont exportées vers la plante-hôte et affectent la croissance du système racinaire, du tronc, des tiges et des feuilles.
Protection phytosanitaire
La modification de l'environnement rhizosphérique par le symbiote fongique influence le développement des autres micro-organismes, incluant les pathogènes. L'association mycorhizienne peut également jouer un rôle indirect sur la croissance de la plante-hôte en affectant la microflore des sols, sur les autres micro-organismes du sol et surtout sur les micro-organismes pathogènes. L'association symbiotique est un moyen de lutte biologique contre les organismes pathogènes telluriques. Les exsudats racinaires sont modifiés par la présence du champignon qui les utilise pour ses propres besoins nutritionnels, réduisant d'autant la teneur en substrats carbonés simples du milieu rhizosphérique.
Par ailleurs, le manteau fongique peut jouer le rôle d'obstacle mécanique difficile à franchir pour certains micro-organismes. De plus le champignon synthétise des inhibiteurs du développement de certains micro-organismes du sol (Rhizoctonia praticola, Phytophora cinnamoni) et contribue à l'augmentation de la résistance des plantes par divers mécanismes. Enfin et surtout, de très nombreux champignons ectomycorhiziens sont capables de produire des substances antibiotiques (chloromycorrhizin A, mycorrhizin A) qui peuvent protéger la plante-hôte.