La vie du sol - Les mycorhizes - Transport du carbone, azote et phosphore dans les ectomycorhizes
De la plante-hôte vers le champignon
L'installation et l'activité de la symbiose ectomycorhizienne sont fortement dépendantes d'un apport adéquat de carbone en provenance de la plante-hôte. Ce caractère fondamental de l'association a été reconnu depuis fort longtemps. La concentration en sucres solubles de la racine est un facteur important dans la formation des ectomycorhizes, la croissance végétative des hyphes et dans le développement du carpophore.
Puisque le champignon utilise de façon limitée les composés carbonés macromoléculaires (lignine, cellulose...) du sol, le partenaire fongique dépend d'un apport constant de photosynthétats en provenance de la plante. Tous les facteurs conduisant à une diminution de l'activité photosynthétique ( faible intensité lumineuse, durée de jours courte, défoliation...) réduisent la prolifération et l'extension des hyphes dans la racine.
Les mouvements de carbone au sein des tissus racinaires sont profondément affectés par l'infection mycorhizienne. L'ectomycorhize attire une forte proportion des composés carbonés racinaires mais la quantification précise de cette dérivation, c'est-à-dire le "coût de la symbiose", n'est pas connue. On ne dispose que d'estimations sur un nombre limité d'associations et les résultats expérimentaux, basés pour l'essentiel sur l'emploi de 14C02, sont tellement différents que l'on ne peut pas les généraliser. De plus, dans de nombreuses expérimentations, seule l'incorporation de carbone dans les tissus mycorhiziens est quantifiée et les pertes de CO2 par respiration sont négligées.
De ce fait, les valeurs obtenues sous-estiment fortement la consommation de carbone par l'ectomycorhize.
Récemment, ces problèmes méthodologiques ont été soulignés et une approche expérimentale plus rigoureuse a été utilisée pour étudier les endomycorhizes de plantes fixatrices d'azote et les ectomycorhizes de Pin. Ces auteurs s'accordent pour estimer le prélèvement de carbone photosynthétique à 7-10 % du carbone assimilé. La proportion d'assimilats mobilisée par les ectomycorhizes est vraisemblablement plus élevée du fait de l'extension considérable du mycélium (manteau, hyphes extramatricielles, formation de carpophores). Des valeurs aussi importantes que 40% ont été avancées.
La mycorhization modifie donc profondément le métabolisme du carbone de la plante-hôte. Ces modifications affectent un grand nombre de mécanismes fondamentaux de l'économie de la plante : photosynthèse, transport et répartition des assimilats, respiration racinaire.
Du champignon vers la plante-hôte
Les ectomycorhizes et leur mycélium externe se propageant dans le sol constituent un réseau reliant les différents systèmes racinaires d'un écosystème. Ce mécanisme permet l'échange de nutriments ou d'autres composés entre des plantes-mères et des jeunes plants d'espèces identiques ou différentes. Le mécanisme de transfert peut être décomposé en trois phases : transfert des composés carbonés d'une racine mycorhizée (plante-mère) vers les hyphes extramatricielles, transport des métabolites le long du mycélium ou des rhizomorphes reliant deux systèmes racinaires et transfert des hyphes extramatricielles vers l'ectomycorhize receveur.
Le transfert de carbone entre les partenaires ne doit donc pas être considéré comme un mécanisme figé; l'intensité et le sens des flux de carbone est certainement fonction du stade de développement des différents partenaires (germination, formation du carpophore, ...) et des conditions bioclimatiques (notion de "plante-mère" alimentant en carbone les "plantes-enfants" placées sous son couvert).
Le métabolisme du phosphore
La concentration de P dans la solution des sols forestiers est en général très faible, elle est le plus souvent de l'ordre des uM. De plus, les interactions électrostatiques du phosphate avec les particules du sol et la séquestration à la surface des argiles font que le phosphate est l'ion majeur le moins diffusible. Son prélèvement par les racines peut être plus rapide que sa diffusion dans le sol et il s'installe alors une zone d'épuisement autour des racines non mycorhizées. La morphologie du système racinaire devient alors un facteur déterminant qui conditionne les possibilités de croissance de l'arbre. Toute augmentation de la surface racinaire, en particulier par l'intermédiaire des hyphes ectomycorhiziens associés, permettra de restaurer une alimentation en phosphate normale. D'ailleurs, l'effet bénéfique de la symbiose mycorhizienne sur la croissance de la plante-hôte résulte en grande partie de l'amélioration de la nutrition phosphatée.
Les champignons ectomycorhiziens contribuent de deux manières à améliorer la disponibilité en phosphore des arbres-hôtes. Nous l'avons vu, ils augmentent la quantité d'azote minéral absorbé par le système racinaire en augmentant la surface d'échange racine-sol, mais ils mettent également à la disposition de la plante associée des formes de phosphore généralement mal utilisées par les Végétaux Supérieurs : phytate, polyphosphates du sol . Enfin, les travaux menés à ce jour sur les ectomycorhizes et les endomycorhizes favorisent l'hypothèse selon laquelle la stimulation de la nutrition phosphatée de la plante-hôte résulte aussi de la capacité des champignons associés à accumuler de grandes quantités de phosphore.
Métabolisme des polyphosphates
Chez les ectomycorhizes, l'accumulation de phosphore absorbé a lieu dans le manteau fongique et s'effectue pour l'essentiel sous forme de polymères phosphorylés identifiés aux polyphosphates inorganiques.une forte proportion de ces polyphosphates se presenterait sous forme de granules vacuolaires.Leurs propriétés sont voisines de celles des granules de volutine et granules de polyphosphates observés chez les bactéries et les levures par microscopie optique et électronique. Leur identification repose sur l'utilisation de colorants relativement spécifiques (plomb, bleu de toluidine). Chez quelques mycorhizes et microorganismes, l'utilisation de la microanalyse a permis de démontrer que ces "granules métachromatiques" étaient riches en phosphore et en cations métalliques (Ca2+, Mg2+, K+).
Utilisation du phosphore du sol
La stimulation des activités phosphatasiques excrétée et pariétale par les champignons ectomycorhiziens et les ectomycorhizes de pins lors d'une carence en phosphate a conduit de nombreux auteurs à attribuer un rôle important à ces enzymes. Leurs propriétés cinétiques et de régulation ont été caractérisées chez quelques champignons en culture pure, mais leur rôle est mal connu. Le champignon utiliserait les phosphatases afin d'hydrolyser les esters de phosphate présents dans le sol : phytate, polyphosphates, acides nucléiques.
Le métabolisme de l'azote
La plupart des espèces ligneuses croit sur des sols très pauvres en azote utilisable où les concentrations de la solution du sol sont le plus souvent inférieures à 0,5 mM. De ce fait, l'établissement d'une association symbiotique ectomycorhizienne est indispensable à la survie et au développement des arbres. On constate que la teneur en azote des individus mycorhizés est nettement plus élevée que celle des arbres non mycorhizés.
Les champignons ectomycorhiziens ont la capacité d'absorber l'azote minéral et certaines formes d'azote organique et de le transporter par l'intermédiaire du mycélium extramatriciel vers les cellules de la racine. Cette meilleure utilisation par la plante ectomycorhizée du stock d'azote disponible dans les sols a un rôle écologique fondamental dans le cycle de l'azote des peuplements forestiers.
Les champignons ectomycorhiziens contribuent de deux manières à améliorer la nutrition azotée des arbres-hôtes :
- en mettant à la disposition de la plante associée des formes d'azote généralement mal utilisées par les Végétaux Supérieurs : acides aminés, peptides et protéines et
- en augmentant la quantité d'azote minéral absorbé par le système racinaire.
Développement de l'ectomycorhize
Le développement de l'ectomycorhize impose aux partenaires des changements considérables dans leur morphologie et leur physiologie. Il implique une cascade d'événements parfaitement synchronisés et une coordination entre les génomes des deux partenaires. Cette coordination suggère l'existence de signaux échangés entre les symbiotes. Nous nous proposons de décrire rapidement les processus prenant place au cours de l'ontogenèse de l'ectomycorhize.
Le développement de la symbiose provoque des modifications morphologiques, physiologiques et moléculaires.La symbiose fonctionnelle
Au niveau métabolique, on observe :
- de profonds changements dans l'expression des gènes des partenaires symbiotiques et
- de nouvelles régulations métaboliques liées à l'environnement nutritionnel particulier de la symbiose.
Le métabolisme du carbone
Le métabolisme du carbone a deux rôles essentiels quelque soit le type d'ectomycorhizes. Le premier est de fournir les substrats énergétiques et le pouvoir réducteur au mycélium et aux cellules de la racine. Le deuxième rôle est d'alimenter en squelettes carbonés les processus anaboliques qui conduisent à la biosynthèse des composés cellulaires.
Ces dernières années les voies métaboliques constituant le métabolisme primaire des champignons ectomycorhiziens en culture pure ont été étudiées en détail. Par contre les connaissances sur ces voies métaboliques dans la symbiose sont limitées.
Le carbone alimentant la composante fongique de l'association a trois origines principales :
- les photosynthétats de la plante-hôte transportés via l'interface racine-champignon,
- la fixation du CO2 par les hyphes et les cellules racinaires et,
- l'utilisation des polymères du sol par le mycélium ectomycorhizien
Source : Inra